Qu'est ce que la cuisson ?


    

       La cuisson est un ensemble de phénomènes complexes, regroupant de nombreuses réactions à l’intérieur de l'aliment; mais quand peut-on qualifier un aliment de "cuit" ? D'autres traitements chimiques ou physiques apportent en effet des transformations à la viande, identiques à ceux produits par la chaleur. Dès lors, on peut se demander si l'on peut cuire sans chaleur.

I- Observations des différentes cuissons                       

    Mise en place de l’expérience    
   Dans un premier temps, nous nous sommes intéressé aux modes alternatifs de cuisson , et avons établit une liste des 5 procédés les plus courants : 

  • La cuisson par l'acide (ex : tartare mariné)
  • La cuisson par l'alcool (ex : viande marinées)
  • La cuisson par le sel (ex: jambon sec)
  • La cuisson par chaleur, à sec (ex: steak grillé)
  • La cuisson par chaleur humide (ex : pot-au-feu)


     Du fait des différentes intensités des réactifs, nous avons dû adapter les temps de cuisson. Ainsi nos échantillons de viande sont restés 3 jours dans le sel, deux jours dans le citron (notre produit acide) ainsi que dans de  l'alcool à 40° (note: l’échantillon n'était plus comestible, mais nous avons choisi un tel degré d'alcool afin d'accélérer la réaction qui sinon aurait été particulièrement lente). La cuisson dans l'eau bouillante a duré 35 min et la cuisson à sec a consisté en un aller retour bref de l'échantillon sur une poêle chaude.

Dans un second temps, il nous fallait déterminer dans quelle mesure ces aliments étaient cuits en nous basant sur des éléments précis que l'ont peut attendre d'une viande cuite : sa couleur, sa tendreté, sa flaveur (combinaisons d'arôme et d'odeurs) ainsi que sa jutosité. Dans toutes les expériences, nous avons pu constater que la viande avait subi ces modifications, dans des proportions différentes.
Ensuite, nous avons mesuré la tendreté de la viande (sur une échelle allant de "consistance molle" à  "consistance dure") ainsi sa couleur, son poids, sa teneur en eau, sa fermeté et la facilité de dissociation des fibres. Nous avons par la suite préparé des coupes longitudinales de la viande pour les observer. Des coupes transversales aurait permit un meilleur résultat mais auraient nécessité une congélation express à l'azote liquide, ce qui n'était pas réalisable.

Suite à ces différents traitements, toutes les viandes à l’exception de la viande cuite à l'alcool restaient comestibles.

Voici les résultats des expériences (cliquez pour une image plus nette):






II- Mécanismes de cuisson


La cuisson, quelle que soit la technique utilisée, entraîne différentes modifications dans la structure de la viande.

Tout d'abord, la viande est composée de multiples protéines. Ces protéines sont des chaines d'acides aminés qui sont ''tordues'' et pliées de façons précises, ce qui leur confère des propriétés spécifiques. Il existe un phénomène de ''dénaturation'' qui se définit par la rupture des liaisons au sein des protéines, changeant leur forme; celles-ci sont alors déroulées et reprennent des formes aléatoires  Elle sont dénaturées.
Pour une page sur la dénaturation des protéines et notamment dans la viande  voir cette page  :





Tout d'abord, nous allons étudier les facteurs influençant la tendreté

  • Le collagène et son rôle


Le muscle est composé de fibres, elles-mêmes regroupées en faisceaux. Néanmoins, elles sont séparées par de fines couches de collagène, une protéine qui confère au muscle son élasticité. Cette protéine est formée d'une triple hélice de trois chaines d'acides aminés reliées entre elles par des liaisons covalentes et donc très résistantes aux dégradations. (schéma)
Lors de la cuisson humide, ce sont tout d'abord les liaisons lui donnant sa forme d’hélice qui vont se rompre et se lier à nouveau ensemble avant de se resserrer  ce qui va alors expulser l'eau de la viande. Ensuite les liaisons entre les chaines d'acides aminés vont également se rompre sous l'effet de la chaleur et de l'eau  pour former de la gélatine évacuée dans le bouillon (notamment grâce à la formation d'ions HO-).La présence d'eau est nécessaire pour rompre les liaisons covalentes; en effet, celle-ci diminue fortement l'attraction électrostatique. Cette dissolution rend la viande tendre et désolidarise les fibres, qui ne sont plus retenues les unes aux autres. Toutefois ce processus demande du temps.
Les liaisons internes aux protéines sont également rompues lors de la cuisson à l'alcool (et son groupe hydroxyde). Il en est de même avec le jus de citron qui, lui, possède un Ph acide dont les ions vont se fixer sur les hydrogènes et détruire les liaisons. Le même phénomène se produit avec le sel et ses ions Na+ et Cl-.
Remarquons sur cette  représentation du collagène, la triple hélice conférant à la protéine son élasticité.









Evolution de la tendreté au cours de la progression de température








Un second élément participe à la tendreté de la viande, ce sont les protéines situées à l’intérieur des fibres musculaires. Celles-ci vont subir une dénaturation et coaguler de façon similaire au collagène (mais sans se dissoudre ensuite). Néanmoins cette coagulation advient dés une température de 40°, c'est cette création de réseaux de protéines enfermant des molécules d'eau qui explique le fait qu'une viande même légèrement cuite soit moins molle, ou, dans les viandes pauvre en collagène comme le poulet, devienne relativement consistante.

Or ces protéines sont solubles dans l'eau, elles permettent donc la rétention de l'eau dans les fibres.
Cette dénaturation implique la perte de leur propriété de rétention d'eau et celle-ci sera ainsi relâchée. Ce processus amplifiera le phénomène d'assèchement lors de la rétractation du collagène, avant que ces mêmes protéines ne coagulent.






En conclusion : 


ou 



(même comportement pour la cuisson au citron et à l'alcool)


  • Deux types de viandes :
Nous pouvons de ce fait classer les viandes en deux catégories. Les viandes riches en collagène nécessitant une cuisson longue en présence d'eau pour s’attendrir (pot-au-feu) et celles pauvres en collagène pour lesquelles une cuisson courte sera préférable pour conserver la tendresse originelle (filet).

        Ce phénomène explique la faible association des fibres dans les viandes cuite à l'eau, à l'alcool ou au citron, à contrario des viandes crues ou cuites à la poêle, où le collagène, contracté (voire intact) reste élastique.
Dans la viande cuite brièvement à la poêle, le collagène n'a pas le temps de se dissoudre ou même de réagir, mais si la cuisson se prolonge, le collagène forme son réseau, d'abord emprisonnant l'eau puis en l'expulsant, mais ne se dissout pas car il n'y a pas d'eau. La viande devient dure et sèche si la cuisson se prolonge trop longtemps (l'effet 'semelle').

      C'est pourquoi nous avons retenté la même expérience de cuisson avec une viande riche en collagène et très utilisée en pot au feu : le jarret . Voir ici
Nos résultats sont sans appel : le collagène blanc présent sur la viande avant cuisson a disparu pour la cuisson au bouillon, à l'acide et à l'alcool, conforté par les études microscopiques



  • La fermeté de la cuisson au sel 

      De plus, dans le cas de la cuisson au sel, l'importante fermeté observée associée à la dissociation des fibres s'explique à la fois par la non-dissolution du collagène, mais également pars une dessiccation (déshydratation) presque complète de la viande. Celle-ci est due au phénomène d'osmose que nous expliquons ici : Phénomène d'Osmose

Cette extraction de l'eau vers l’extérieur cause une pression importante dans les fibres sur les parois qui vont alors se rompre. Ceci explique  la coupe microscopique particulièrement fragmentée. De surcroît la viande vidée de son jus devient plus dense encore, et donc plus dure.



Ensuite nous allons étudier l’évolution de la couleur de la viande.



  • En effet, pourquoi la viande rouge devient-elle brune/grise ?



Nous avons vu que le collagène était une protéine entourant les fibres musculaires. Ces fibres sont elles-mêmes constituées de diverses protéines dites fibrillaires et d'eau..
Avec la chaleur ou les dégradations ioniques dues à l'alcool, au citron ou au sel, ces protéines vont se dénaturer.
Ces protéines  vont ensuite coaguler pour former un réseau qui va emprisonner des protéines et notamment la myoglobine. Cette protéine est à l'origine de la couleur rouge de la viande dite "rouge" que nous percevons par transparence. Suite à la coagulation de la myoglobine, ayant lieu dés 50° la viande paraîtra blanchâtre. A 70°, la protéine est dénaturée et la viande prend une couleur brunâtre, propre aux nouvelles propriétés de la myoglobine dénaturée et coagulée.



  • Et la viande blanche devient-elle opaque ?

        Lors de la cuisson de viandes blanches,  comme le poulet encore translucide cru, les protéines fibrillaires vont sous l'effet de la chaleur se dénaturer et se coaguler, formant ainsi un réseau dense emprisonnant des molécules d'eau. c'est ce réseau qui rend la viande blanche opaque, on observe un phénomène identique dans l'oeuf.



          Pour être sur que toutes ces dénaturations et coagulation de protéines se font réellement au milieu des innombrables réactions de la cuisson, nous avons isolé cette variation des protéines.
En effet, on sait que le blanc d'oeuf est essentiellement constitué d'albumine, une protéine.
On a ainsi  verser de l'alcool et de l'acide chlorhydrique sur deux oeufs et on observe bien une opacification. Il s'agit de la formation d'un réseau par les protéines coagulées.

On en déduit que les protéines fibrillaires et la myoglobine réagissent bien de la même façon dans la viande.





































 Etude de la coagulation des protéines de l'oeuf par l'alcool et modification du pH


La jutosité

La jutosité correspond au ressenti en bouche du morceau de viande selon la teneur en eau mais également en lipides (graisses).
Si nous avons vu l'impact de la chaleur humide ou d'une cuisson à sec prolongée sur la rétention d'eau, d'autres interactions ont lieu.
Dans la cuisson à sec courte, le collagène va coaguler en surface, ce qui va créer une paroi étanche qui va limiter la perte d'eau des fibres. Ainsi une poêle bien chaude optimise un coeur encore juteux pour éviter un dessèchement.
L'action du sel, quant à elle, consiste en un assèchement de la viande par le phénomène d'osmose déjà vu précédemment; qui entraîne un assèchement très important densifiant par conséquent la viande.
L'alcool et le jus de citron contenant de l'eau, l'assèchement est très limité, la viande reste juteuse et uniforme.


Ici la formation d'une couche étanche (grise) empêchant la dilapidation des juteux sucs de l’intérieur du steak !










Flaveur

Les composés aromatiques et volatiles sont très difficiles à identifier, d'où le manque de connaissance dans ce domaine.
Nonobstant, il est acquis que la sensation du goût se fait par la perception de diverses molécules aromatiques de façon simultanée. C'est le mélange et les proportions de ces molécules qui feront varier le gout, on retrouve ainsi de nombreuses  molécules aromatiques identiques dans le pain et dans la viande, qui ont pourtant un goût très différent. Nous étudierons dans une seconde partie ( Réactions de Maillard), la principale origine des arômes.
En l’occurrence  les composés volatiles sont principalement issus de la dégradation des lipides ( graisses) puis à d'éventuels ré-agencements dus à la chaleur. Lors de la cuisson au sel, celui-ci étant un exhausteur de goût, il va amplifier la perception des arômes présents naturellement dans la viande sans entraîner de grandes modifications, la cuisson développe ainsi des arômes différents de ceux de la viande cuite.
Toutefois, les cuissons à l'alcool et au citron ne nous ont pas permis d'identifier de nouveaux arômes car le goût des réactifs est si fort qu'il couvre toute autre saveur. On doit donc éliminer l'alcool ou le jus de citron, ce qui peut être fait notamment en faisant flamber l'alcool.



Conclusion


On a donc vu que la cuisson pouvait se faire à travers différents éléments autres qu'un traitement thermique.
L'essentiel des transformations se déroulant dans la viande (jutosité, fermeté, perte de poids etc) est dû à une dénaturation couplée d'une coagulation des protéines. On peut ainsi dire que la cuisson se résume à un traitement de celles-ci, d'un traitement affectant les propriétés de la viande par l’intermédiaire de leurs protéines.
La cuisson au sel, à l'alcool et au citron changent donc la viande d'une manière similaire à un traitement thermique et les différences entre ces cuissons sont équivalentes à celles remarquées entre les cuissons thermiques.
Toutes les cuissons ont donc des propriétés différentes (il aurait été intéressant d'étudier les particularités de la friture, de la grillade, du rôtissage et des autres cuisson alternatives, mais il aurait alors fallu un second TPE), mais le terme cuisson s'applique à toute modification des protéines, pour la viande en tout cas.








1 commentaire:

  1. Woa super sujet c'est ce que j'ai étudié pour creer mon site sur le bbq américain ! Comment avez vous fait pour creer ou obtenir ces schéma sur le collagène c'est les questions que je me pose car j'ai besoin d'illustration dans le genre mais je ne sais pas comment les obtenir ou les acheter ! cordialement ;)

    RépondreSupprimer